A Disgrace and an open letter
23 Jan 2021 09:00 am![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
Lettre à Monsieur le ministre de l'éducation nationale à l'occasion du débat autour de l'article 21 et de la liberté d'instruction.
Avant de devenir député le 8 octobre dernier, je fus enseignant pendant 30 ans dans un réseau d’éducation prioritaire. J’ai eu la chance d’exercer à tous les niveaux dans le premier degré, comme directeur d’école ou encore en tant que coordonnateur d’éducation prioritaire.
Cet amour de l’enseignement, je le dois à deux professeurs dont le bonheur et la joie de transmettre quotidiennement leur savoir m’ont donné envie, à mon tour, d’exercer ce beau métier.
Pendant ces 30 années, mon ambition s’est agrégée autour d’une seule envie : apporter le meilleur aux centaines d’enfants confiés par des parents soucieux de leur réussite sociale et intellectuelle. J’aime ce métier et j’aurai le plaisir d’y retourner demain si je ne suis plus député.
Monsieur le ministre de l’éducation, il faut beaucoup aimer pour bien comprendre et tout admettre. Cet amour de l’école ne m’empêche pas d’admettre que la réalité actuelle est loin d’être pour tous les élèves cette idylle républicaine comme l’avait imaginée Condorcet.
La violence, le harcèlement, la phobie scolaire sont des réalités auxquelles j’ai été confrontées. Pour eux, l’école n’était pas adaptée. Certes les raisons différaient, certes ils ne représentaient qu’une minorité mais comme toute minorité, elle mérite d’être écoutée. Pour ces enfants, je me sentais démuni, impuissant et je ne pouvais que constater que pour eux la déscolarisation était une nécessité. Je n’étais pas le seul, psychologues scolaires, collègues enseignants, conseillers pédagogiques, inspecteurs: tous partageaient avec moi ce désarroi.
Et puis, il y a quinze ans, j’ai rencontré des familles pratiquant l’instruction en famille. J’ai alors découvert des familles épanouies, des enfants heureux, vifs et tout aussi sociables que ceux scolarisés à l’école de la République. J’ai retrouvé sur le visage de ces enfants un sourire que j’avais eu du mal à imaginer quand j’étais leur enseignant.
Des solutions existaient pour ces enfants ! Ces enfants qui, au fond de la classe, refusaient de se mettre au travail. Ces enfants qui ne parvenaient pas à rester en place et qu’on retrouvait parfois en établissement spécialisé car on n’avait pas réussi à déceler leur potentiel.
Monsieur le ministre, comme vous, je conçois que « L’école, c’est bon pour les enfants. » mais je ne peux qu’être en désaccord avec votre volonté de faire de celle-ci le lieu d’instruction pour tous.
La commission spéciale de l’Assemblée nationale a voté aujourd’hui l’article 21 du projet de loi confortant les principes de la République. Vous vous apprêtez à supprimer la liberté pour les parents de recourir à l’instruction en famille pour en faire un régime dérogatoire. Que direz-vous demain à ces enfants victimes de harcèlement, de phobie scolaire ? Que direz-vous demain à ces parents qui ont organisé leur vie professionnelle et familiale autour de l’éducation à domicile de leurs enfants ?
Vous leur direz que vous faites cela pour lutter contre la radicalisation religieuse comme vous l’exposez dans le cadre général du projet de loi ?
Mais, Monsieur le ministre, les plus hautes juridictions administratives de notre pays s’étonnent de vos chiffres. Aucune étude sérieuse ne vient étayer la corrélation que vous faites entre l’endoctrinement religieux et l’instruction en famille. Je suis allé moi-même questionné le DASEN de la Somme. Il me l’a confirmé : la multiplication par trois du nombre de famille instruisant leur enfant à domicile n’a pas empêché le contrôle de plus de 80 % d’entre elles par des inspecteurs. Parmi ces familles, deux ont nécessité un second contrôle et un seul fut rescolarisé. Zéro cas de radicalisation.
L’époque de la punition générale est derrière nous. Quand un seul élève perturbe le cours, l’enseignant ne sanctionne pas la classe entière. Il fait preuve de pédagogie et de dialogue. Pourtant, ce que vous proposez dans votre projet de loi c’est de punir l’intégralité des familles instruisant leur enfant à domicile au motif de la défaillance d’une poignée d’entre elles.
Je ne vous ferai pas l’affront de vous mettre une note. Toutefois, j’espère que vos rattrapages se dérouleront mieux : vous avez encore le Sénat puis la commission mixte paritaire pour revoir votre copie.
Gregory LABILLE
Député Enseignant
Engagé en faveur de la liberté d'instruction
no subject
Date: 23 Jan 2021 12:36 pm (UTC)no subject
Date: 23 Jan 2021 08:12 pm (UTC)no subject
Date: 23 Jan 2021 11:32 pm (UTC)All over the world, states (governments) are becoming more stringent and oppressive. It's not good.
no subject
Date: 27 Jan 2021 10:27 am (UTC)